Béatrice Didier est née à La Tronche (Isère), fille de Noël Didier, professeur d’Histoire du droit à l’Université de Grenoble et de Monique Collin-Dufresne. Elle est mère de trois enfants : Noël, Hervé et Anne Le Gall.
"Le Bonheur de la littérature : Variations critiques pour Béatrice Didier", PUF, 2005, sous la direction de Christine Montalbetti et Jacques Neefs
L’œuvre critique de Béatrice Didier se signale par l’ampleur des territoires qu’elle découvre et commente. Parcourant volontiers le livre du monde, Béatrice Didier fait de la bibliothèque un monde également, monde large, ouvert, aux paysages mobiles et attirants. C’est sur ses traces que les participants à cet hommage ont voulu porter leurs pas.
A suivre Béatrice Didier, les rencontres sont nombreuses : avec Senancour d’abord, de manière peut-être emblématique, dont elle fait apparaître la profondeur de l'imaginaire, auquel elle est revenue, comme « romancier », mais aussi, dans son édition récente, comme l’auteur des Rêveries, répondant, à travers lacs, montagnes et forêts, au partage que cet auteur propose, avec un « vous » qui devient « nous », de la quête rousseauiste de « quelques beauté primitive ».
Les rencontres sont nombreuses également sur les territoires sandiens, longuement arpentés, dans leur versant romanesque : Lélia, Indiana, ou par une relecture de François le Champi, à la lumière du rôle que ce roman jouera pour le narrateur d’A la recherche du temps perdu ce conte oral qui interroge le lien avec la mère, est le récit d’une sorte d’inceste autorisé dont l’effet, par ce retour à la matrice est une certaine négation du temps. Béatrice Didier accompagne les œuvres de Sand également dans leur versant autobiographique, l’Histoire de ma vie se constituant surtout comme une histoire de la naissance - difficile, différée fragile - à l’écriture, dont la forme préhistorique, libre, évanescente et subtile était le poème rêvé, non écrit, de Corambé. C’est ainsi qu’elle sait accompagner l’ample flot de cette œuvre généreuse, comme d’un « long fleuve d’Amérique ».
Dans une écoute constante de la théorie, et le souci d’en moduler les propositions pour parvenir, dans le geste herméneutique, à relever les particularités de chaque écriture, l’étude de George Sand alimente une réflexion sur l’écriture-femme qui prend aussi pour points d’appui parmi d’autres encore, Mme de Staël ou Mme de Charrière.
Avec Stendhal, aussi, toujours, le voyage que fait Béatrice Didier est comme celui que l’on goûte en une compagnie libre, festonnée, heureuse de la mobilité passionnée que l’écriture accorde à ceux qui savent jouir comme de la vie. Les voyages dans l’écriture lui sont l’occasion de redéfinir l’écriture de soi comme un espace polymorphe, conjuguant les genres, et lui permettant de se placer à l’écoute des « pulsions autobiographiques », comme, par exemple, dans l’écriture du voyage. Avec l’élaboration d’une poétique du nom de « Grenoble », dans l’écriture stendhalienne du moi, très discrètement, très secrètement, se dessine peut-être le seul filigrane de ces textes de lecture, un lieu ou la « pulsion autobiographique » inspire l’écriture critique.
La carte des voyages critiques est immense, des Lumières aux moments ombreux de la Révolution, de Sade à l’immense thrène de Chateaubriand, dont elle travaille à l'édition des Oeuvres Complètes, mais aussi dans l’attention aux contemporains de Michel Butor à Hélène Cixous, toujours dans la libre diversité des genres et des formes.
Le très grand nombre d’étudiants et d’étudiantes, français, étrangers que Béatrice Didier a dirigés et dirige pour leur travail de thèse, en témoigne amplement, comme il témoigne de sa ferveur pour la transmission de ce que la littérature apporte de savoir, de vitalité, d’intelligence du monde, de son histoire, de son infinie ouverture. Et son exceptionnelle capacité de travail, comme sa grande attention aux autres, en font également une précieuse directrice de collections, et éditrices de grandes encyclopédies.
Il faudrait dire aussi la place des intérêts comparatistes, de la passion pour les littératures européennes, comme pour la musique, étudiée au siècle des Lumières, et pratiquée par cette pianiste qui nourrit de l’interprétation des partitions musicales sa ferveur dans l’interprétation des textes.
Les contributions de ce volume dessinent quelques cantons de ce vaste territoire, ceux auxquels Béatrice Didier s’est attachée fidèlement : « l’écriture des Lumières », « les romantismes », « l’écriture de soi », « l’écriture-femme » ; et s’accordent à l’intime lien qu’elle sait tisser, dans l’activité critique, entre « lire écrire ».
C’est que grande voyageuse, Béatrice Didier est aussi une écrivaine très matinale. Son écriture, commençant avec l’aube, nous offre jour après jour une œuvre critique à son image, généreuse et lumineuse : emportée par le mouvement même, ou s’exprime et se transmet le « bonheur de la littérature ».